Tribune libre sur le thème de la participation consciente
Comment fixer le prix d’un spectacle, d’une livre de pain, d’un weekend en nature ? Il y a le prix fixe, le prix progressif, le prix libre au chapeau, le prix à discuter, le prix Nobel – ah non pas pour cet article – et le prix conscient. Dans certains milieux, on voit fleurir ce genre d’indication, participation consciente : finalement, à quoi correspond-elle ? Est-elle bien comprise ? Bien expliquée ?
Essai de compréhension
Pour tenter de clarifier les choses, j’ai posé quelques questions à Antoine qui a bien voulu m’éclairer sur le sujet. Antoine a passé beaucoup de temps à se questionner sur la façon la plus juste de fixer le prix des pains qu’il façonne et vend, après avoir bien réfléchi aux valeurs qu’il porte et à toutes les étapes de son travail, de l’achat des farines aux emballages en passant par le mode de transport pour faire sa tournée, au temps de travail et au salaire dont il a besoin pour vivre selon son idéal.
Et ça, figurez-vous que ça ne se compte pas dans le prix d’un produit. Ca ferait exploser son prix à des kilomètres au dessus du prix psychologique. C’est celui qu’on a l’habitude de payer pour tel produit. Au final, le prix est généralement fixé sur la base du prix d’achat moyen des matières première. Il omet tout un tas de charges, y compris le salaire de l’artisan·e. Vous imaginez votre garagiste ne pas vous facturer les 140.- de tarif horaire pour le service de votre voiture ? C’est malheureusement le lot de nombre d’artisan·es et d’artistes.
Rien que de savoir ça, tout mon référentiel vole en éclats !
La Participation consciente est le prix, le paiement des séminaires que propose l’UdN depuis 2011. Elle fait partie du modèle économique de l’UdN depuis sa création. Elle invite à revisiter notre rapport à l’argent, souvent dans le cadre de séminaires ou d’ateliers sur la question de la coopération et du faire ensemble.
La participation consciente a des règles précises données en amont aux participant·es :
- C’est la somme donnée en conscience pour ce qui aura été vécu et pour soutenir financièrement l’organisation (développement, formation).
- Elle fait l’objet d’un temps d’explication et de partage en début d’expérience.
- Elle est obligatoire.
- La remise se fait à la fin du séminaire de façon non-anonyme sans justification de la somme donnée.
Définition du terme « en conscience »
Pour choisir en (bonne ou mauvaise) conscience quel montant je verserai pour tel cours, spectacle ou produit, j’ai besoin d’en savoir plus. Tout comme une assemblée communale veut connaître les détails du budget avant de l’accepter, j’ai besoin de savoir :
- quel montant a été engagé : quel est le prix des matières premières, des charges fixes et variables, du salaire espéré
- combien d’heures de préparation ont été nécessaires pour se former, répéter ou développer et créer le produit proposé
- quels sont les processus de création ou de fabrication et leurs implications
- quel est le niveau de formation de la personne qui anime, se produit ou fabrique
- dans quel cadre elle travaille et vit : activité principale ou accessoire, semaines travaillées par année, train de vie, etc
A toutes ces informations se mêleront MES valeurs, MES références salariales et financières, MES (mé)connaissances du mode de production ou de création, etc. Quelle prise de tête, pas vrai ?
Eduquer à la participation consciente
Expliquer tout ce concept et ces informations nécessite un grand travail d’éducation. Donc du temps et le temps c’est de l’argent, non ? pas pour notre artisan boulanger, dommage pour lui ce brave passionné. Vous l’imaginez, passer quinze minutes par client·e à expliquer comment les prix ont été fixés ? Quelles démarches ont été entreprises pour se fournir auprès de producteur·ices fribourgeoises ? Quel processus a mené de la farine à la belle miche de pain ? Comment les augmentations des charges tel le prix de l’électricité impactent les prix ? Comment fixer la masse de pain à produire pour dégager le salaire visé ? Mon pain aura bien le temps de sécher 6 fois sur le stand !
Bref, proposer une participation consciente est louable mais nécessite :
- pour la personne qui propose cette rémunération : beaucoup de temps pour faire le budget « holistique » de son projet et d’énergie pour faire connaître et comprendre le concept encore méconnu, accepter ce qu’elle recevra et probablement de l’appréhension de savoir si elle recevra de quoi se verser un salaire ou seulement couvrir ses frais ;
- pour la personne qui paye selon ce modèle conscient : du temps pour comprendre les détails, une réflexion personnelle sur mes référentielles et la fourchette d’un salaire acceptable et, dans mon cas, de la torture mentale et morale pour décider combien donner pour être juste.
Conclusion personnelle
Au final et avec ma compréhension actuelle, la participation consciente ne garantit pas une rémunération juste pour la personne qui propose un service ou un produit étant donné que le montant dépend de la personne qui paye ! Que la participation soit libre ou consciente, la différence est l’inconfort et le temps passé à réfléchir à ce que je laisserai dans le porte-monnaie de l’autre.
Je vous avoue que j’ai une préférence pour la participation que j’appelle progressive. [Si ça a un nom, merci de le noter en commentaire !] Pour un service, vous avez le choix entre 3 tarifs :
- le petit prix, soit grosso modo le minimum, plus ou moins les frais engagés par l’organisateur·ice. On pourrait l’apparenter au prix « petit budget », pas de marge.
- un prix moyen avec un salaire correct pour l’organisateur·ice. Ce serait le prix de base avec une marge acceptable.
- un prix plus pour soutenir un prochain évènement ou des frais de perfectionnement. C’est le prix soutien ou mécénat du genre c’est-trop-bien-ce-que-tu-fais-continue, avec une marge confortable voire plus.
Avec ce système, on espère que les montants versés s’équilibreront pour obtenir un prix moyen. Si la courbe de Gauss s’applique, ça devrait le faire 😉
A dispo pour en discuter, Stéphanie